ENTRETIEN AVEC LIONEL BELLENGER
Quels avantages peut-on tirer d'une intervention orale très courte ?
Clairement, qu'elle soit plus pertinente. Pourquoi ? Parce qu'elle oblige à une préparation plus soignée. Elle incite, parce qu'il va falloir faire court, à sélectionner les arguments en fonction de l'interlocuteur ou de l'auditoire. Qu'est-ce qu'il peut entendre ? Qu'est-ce qui peut lui être utile ? Qu'est-ce qu'il attendait ? Par ailleurs, l'intervention orale courte provoque un exercice de discernement : sur quoi repose mon raisonnement ? Est-ce que mes arguments tiennent la route ?
Ce genre de prise de parole confronte à un paradoxe : l'investissement dans une préparation approfondie, un fort travail de réflexion, d'évaluation et de choix pour un bref moment d'exposé capable de déclencher un déclic.
Quels sont les pièges à éviter lors d'une communication rapide ?
Il ne faut pas s'imaginer qu'on puisse improviser, croire dans l'expérience ou l'habitude qu'on a.
Attention à ne pas rater son démarrage, les premiers mots, ni parler en pensant ou penser en parlant… au risque de se perdre. Il faut aussi veiller à ne pas enchaîner des phrases trop longues comme si on exposait à ceux qui écoutent la difficile élaboration de nos idées. Le pire serait de laisser s'installer dans l'auditoire des doutes : où est-ce qu'il veut en venir ? Qu'est-ce qu'il veut nous dire ? D'où il nous parle ?
Autre piège encore, faire trop long (même si c'est en apparence bien structuré) et que ça confirme le mauvais dosage : on n'a vu qu'un aspect trop développé, la fin bâclée, des parties annoncées mais escamotées… C'est frustrant à coup sûr pour ceux qui écoutent.
Vous conseillez d'écrire plusieurs scénarios pour se préparer.
Comment faire concrètement ?
Ça oblige à une vraie réflexion et à des choix. Pour un pitch, l'amorce et la clôture sont des temps forts. Le développement, s'il comporte 3 parties, sera structuré selon des inflexions choisies : frapper, apaiser, surprendre ou dans un autre ordre, surprendre, frapper, apaiser. Pour qu'un pitch ait un impact, il faut qu'il produise des effets émotionnels. L'orateur est un scénariste. Tout dépend de ce que je veux produire : rassurer, enthousiasmer, provoquer… La bonne méthode, c'est de s'enregistrer et de réécouter pour tester l'impact en pensant toujours à l'auditoire et ce qu'on sait de lui, ses attentes. Ce n'est pas pareil que de présenter un projet d'investissement à un comité de direction, parler d'un nouveau service à des clients fidélisés ou encore vendre à des prospects une politique d'abonnement.
C'est passionnant de trouver le bon montage. Des conseils extérieurs peuvent être bienvenus. Mais la règle c'est : expérimenter, travailler, ajuster, choisir et… répéter (« se mettre en bouche » comme disent les acteurs de théâtre).
Qu'est-ce qu'un discours réussi selon vous ?
C'est un discours qui n'est pas parfait, récité. Hors de toute forme d'arrogance donc proche, accessible et pas « hors sol », clair sur ce qui le fonde : pourquoi, au nom de quoi et dans quel but ? Le discours est réussi si l'auditoire peut en faire quelque chose : agir, expérimenter, douter, remettre en question, conforter, inciter à aller plus loin. La notion de déclic est intéressante, c'est en phase avec la brièveté d'un pitch : quelques minutes pour créer quelque chose. L'idée d'ouvrir, de montrer un chemin, de donner envie d'en faire plus, me parait raisonnable. |