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INTERVIEW
Développer son charisme : Lionel Bellenger
Un
élément de différenciation qui permet
de déclencher des mouvements.
Ils sortent du
lot et le savent. Les leaders charismatiques
offrent une valeur ajoutée impalpable
et pourtant ô combien différenciante.
Lionel
Bellenger est l'un des experts français
en matière de formation en communication,
une composante essentielle du charisme.
Pour Le Journal du Management,
il décrypte la notion de charisme.
Selon
vous, comment peut-on définir le charisme
?
Lionel Bellenger. L'origine
religieuse du terme se traduit sans
aucun doute aujourd'hui par la passion,
l'investissement et l'aspect émotionnel
que diffuse un individu charismatique.
Mais avant tout, je pense que ce genre
de personne est dotée d'une puissance
d'attraction et d'entraînement qui
mobilise les gens. C'est comme un
leader possédant un véritable ascendant
sur son entourage. On peut dire que
le charisme se met en place dès la
cour de récréation. Il suffit d'observer
l'enfant qui prend des risques, fait
valoir des projets et qui, par dessus
tout, possède déjà une puissance d'expression
et de communication, du magnétisme.
Qu'est-ce
qui caractérise un individu charismatique
?
Tout d'abord,
c'est une personne qui a un sentiment
de puissance très fort au sens psychologique.
Mais il a aussi les pieds sur terre
: on sent très bien que c'est quelqu'un
de solide et de lucide. Il dégage
une impression très forte de maîtrise
de lui-même, de contrôle et de calme
notamment quand la situation se dégrade.
C'est également une personne qui se
donne vraiment et dont la générosité
fait oeuvre d'exemplarité. Une personne
charismatique se distingue forcément,
parce qu'elle a de l'influence. Ce
n'est pas une personne qui reste terrée
dans son bureau, mais qui cultive
une certaine puissance en étant mesuré.
Le
charisme dépend-il du contexte ou
de la personnalité ?
En charisme, il n'y a pas d'auto-proclamation.
Cela tient davantage à la rencontre
entre quelqu'un qui prend une initiative
et un groupe qui y répond favorablement.
De ce point de vue, le charisme est
très lié au contexte. C'est un processus
interactif qui se développe en fonction
des situations. Mais le charisme appartient
tout autant à l'histoire de la personne.
Le terrain de développement du charisme
est un contexte de difficulté, de
danger ou de crise qui en général
affaiblit la grande majorité des gens.
C'est dans ce contexte que l'on voit
émerger des figures fortes et charismatiques,
alors que les individus en ont besoin.
Cette mécanique implique une autre
remarque : une personne qui joue un
rôle normal dans un cadre professionnel
donné peut tout à fait trouver ailleurs
un terrain d'excellence ou d'expression
favorable au charisme.
Un
processus irrationnel de séduction
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Quel avantage
tirons-nous à être charismatique ?
C'est un élément de
différenciation et un caractère profondément
humain. Il permet de déclencher des
mouvements à diverses échelles. Rappelez-vous
l'appel du Général de Gaulle le 18
juin 1940. Il a osé prendre un risque,
provoquant la fascination générale.
Déjà en 1895, la théorie de Gustave
Le Bon sur la psychologie des foules
mettait en évidence la stimulation
générée par le charisme, le recul
de la rationalité coïncidant avec
l'augmentation de la charge relationnelle.
Un personnage charismatique et son
aura ouvrent sur un processus fusionnel
contagieux pour les gens qui s'en
nourrissent.
Le
charisme peut-il avoir des effets
pervers ?
Oui. Le danger
du charisme est qu'il agit comme un
processus irrationnel de séduction.
Corollaire du processus, la perte
de l'aspect rationnel conditionne
des problèmes d'intentionnalité, qui
au final peuvent se retourner contre
notre individu charismatique. Le charisme
est une forme assez aliénante qui
ne prend pas avec certaines personnes.
En outre, à court terme, il peut s'agir
d'une dépendance immédiate au détriment
d'une mobilisation créative, alors
que la personne charismatique a besoin
de résultats pour être reconnue. Et
à long terme, le charisme pose le
problème de la succession. C'est ce
qui se passe, par exemple, dans les
entreprises familiales, les PME ou
les associations, où la seule aura
d'une personne donne de la force au
groupe.
Un
leader charismatique est capable
de prendre des risques
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Leadership,
charisme : quelle est la différence ?
On peut être un leader sans être charismatique.
Une société a besoin de leaders si
possible charismatiques. Dans le charisme
il y a une notion de cœur, une dimension
humaine prépondérante, contrairement
au leadership ou les notions de compétitivité
et d'égocentrisme sont plus importantes.
En revanche, dire d'un leader qu'il
est charismatique n'est pas un pléonasme.
L'avantage de l'un par rapport à l'autre
se mesure en termes de cohésion et
de proximité avec un groupe.
Du
point de vue professionnel, vaut-il
mieux être expert ou charismatique ?
Sincèrement, pour
durer, l'un ne va sans l'autre. L'expertise
et les compétences techniques donnent
de la crédibilité aux personnes charismatiques.
Elles ont besoin de connaître et de
savoir.
Comment
peut-on devenir un personnage ou un
leader charismatique ?
Devenir charismatique
relève d'une prise de conscience et
d'un désir d'inscrire cette évolution
dans la durée. Il faut commencer par
se poser la question : suis-je capable
de m'engager et de prendre des risques
? Personnellement je ne crois pas
aux séminaires de deux jours sur le
charisme. Mais une formation ou un
accompagnement peuvent être efficaces
pour ouvrir les yeux.
Une
forme d'excellence dans la communication
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Vous
êtes l'auteur de "L'excellence à l'oral,
développer son charisme". Pourquoi
avoir mis en parallèle ces deux notions ?
On trouve tous les talents de l'oral
dans tous les personnages charismatiques.
Il y a toujours une forme d'excellence
dans leur communication. Ils parlent
comme il faut, où et quand il le faut.
En fait, on pourrait dire qu'ils chantent
juste. Par exemple, j'anime un atelier
de prise de parole en public à Polytechnique
pour des groupes d'une douzaine de
personnes dont quatre ou cinq personnes
sortent du lot et se distinguent par
un potentiel charismatique. Et ils
le savent. Désir d'entreprendre et
destinée se rejoignent.
Pour
vous, quelles sont les grandes figures
charismatiques aujourd'hui dans le
monde de l'entreprise ?
Je n'en citerai qu'une seule : Jean-François
Dehecq, le PDG de Sanofi-Aventis.
Il suffit de voir quel effet il produit
sur ses salariés et notamment l'encadrement.
Tout les cadres en parlent. Je dirais
même qu'ils l'adorent. En vingt ans,
cet homme a effectué deux cent fusions
pour réussir à créer un grand groupe.
C'est colossal. Je pense que le charisme
se reconnaît dans l'œuvre de quelqu'un
qui a fait son choix et qui sait ce
qu'il fait.
Quelle
est la place du charisme dans notre
société actuellement ?
Aujourd'hui on
observe sur le marché plus de compétiteurs,
voire des killers, mais pas
vraiment de leaders charismatiques.
Le monde actuel est assez dur et ne
laisse pas de place aux sentiments.
Mais la dimension éthique et la mise
en avant des valeurs de l'entreprise
au travers de ses responsables poussent
les gens de forte conviction sur le
devant de la scène. Le charisme pourrait
bien rejaillir par cette porte là.
Parcours |
Lionel
Bellenger: Maître de conférence
à HEC et Paris III, il donne
des cours à l'Ecole Polytechnique.
Auteur d'une trentaine de
livres chez ESF et aux PUF,
il dirige la plus importante
collection française d'ouvrages
destinés à la formation (collection
formation permanente).
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